A l’heure où les problèmes environnementaux et sociaux posés par le changement climatique ne cessent de croître dans le monde, la transition énergétique s’impose comme la réponse aux défis présents et à venir. C’est un chantier de grande ampleur aux enjeux importants tant aux niveaux politique et économique, que social et environnemental. La Tunisie s’engage avec succès dans la mise en place de politiques énergétiques ambitieuses et se prévaut d’un positionnement pionnier en matière de développement énergétique durable.
Une question se pose aujourd’hui sur la transition énergétique: où en est l’application des orientations et des objectifs de la stratégie du ministère de tutelle concernant le développement des énergies renouvelables ? Depuis des années, la Tunisie a placé la transition énergétique au cœur de ses priorités nationales, afin de lutter contre le changement climatique tout en s’engageant sur une voie de développement durable. Elle a joué un rôle central dans l’avancement des énergies renouvelables et le développement du potentiel éolien et solaire exceptionnel dont dispose le pays.
Conformément à ses engagements au Protocole de Kyoto et à l’Accord de Paris, la Tunisie s’est dotée d’une stratégie ambitieuse visant la transition énergétique, fondée essentiellement sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique afin d’atténuer la vulnérabilité du pays et de renforcer sa capacité d’adaptation et de résilience pour être à même d’assurer un développement inclusif et durable.
En dépit des efforts consentis, la Tunisie enregistre, en effet, un déficit croissant de la balance énergétique et une dépendance accrue à l’égard des énergies fossiles. Elle subit, de ce fait, les contraintes de la sécurité énergétique, de la compétitivité économique et de l’impératif climatique inhérent à ce type d’énergie.
Selon les statistiques, le déficit énergétique a atteint 6,35 Mtep en 2022, contre 6,02 Mtep en 2021. Ainsi, le taux de dépendance énergétique était de 55% en 2022 contre 51,2% un an plus tôt. De même, l’intensité énergétique s’élève à 240 tep par million US$, en légère amélioration par rapport à l’année précédente.
En 2022, les énergies renouvelables (hydraulique, éolienne et solaire) ont représenté 1,1% de la consommation d’énergies primaires. A la fin de la même année, la capacité totale installée d’énergies renouvelables a atteint 503 MW dont 223 MW d’éolien, 62 MW d’hydraulique, 20 MW de photovoltaïque et 158 MW d’autoproduction.
Objectif de neutralité carbone
Les engagements de la transition énergétique de la Tunisie s’inscrivent dans un objectif de neutralité carbone (réduction de l’intensité carbone de 45% en 2030 par rapport au niveau de 2010). Le pays s’est engagé ainsi à accélérer l’exécution de sa «Contribution déterminée nationale» 2021 – 2025 pour renforcer les capacités nationales et sectorielles permettant d’accéder aux mécanismes de financement au niveau international.
Khaled Kaddour, ancien ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, précise que «le système énergétique de la Tunisie est confronté à de multiples défis stratégique, économique, sociétal et environnemental. Il nécessite une vision globale de la situation, mais aussi un projet collectif mobilisateur se traduisant par une stratégie énergétique ad hoc».
Et d’ajouter que «depuis les années 2000, le déficit énergétique structurel s’est inscrit dans la durée et s’est accentué durant la dernière décennie. Il a été de 4.587 (ktep) en 2021. La subvention de l’énergie est passée de 550 MDT en 2010 à 7.628 MDT en 2022. Le déficit énergétique accapare 32,2% du déficit commercial total du pays. Le taux d’indépendance énergétique n’est que de 49% en 2022 et, sans la redevance du passage du gaz algérien, il se limiterait à 38%».
Le déclin de l’activité du secteur depuis 2011 s’est traduit par une régression de la production de 39% entre 2010 et 2022. «Le Mix électrique en 2022 ne réserve qu’une très faible part de 2,4% aux énergies renouvelables par rapport au gaz naturel, soit 358 MW».
Selon les propos de l’ancien ministre, les énergies renouvelables sont, cependant, à même d’apporter des solutions à la fois innovantes et durables contribuant à l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement énergétique, la réduction des risques de vulnérabilité de l’économie et à la lutte contre les changements climatiques par la réduction des émissions de CO2.
Il est certain que, dans le futur, «l’énergie renouvelable bénéficiera des avancées de toutes les nouvelles technologies pour améliorer davantage sa compétitivité par rapport aux combustibles fossiles, même si la hausse du coût d’installation, des matières premières et de la chaîne d’approvisionnement est à prévoir». Cependant, «les énergies renouvelables souffrent de quelques défauts préjudiciables à prendre en considération : leur intermittence, en particulier, du fait de l’absence du soleil ou du vent et des aléas climatiques. Ce qui implique des investissements dans des centrales classiques ainsi que dans la stabilisation du réseau».
Moteur de développement régional
Les énergies renouvelables constituent, par ailleurs, un moteur de développement régional comme l’illustrent les 2 projets pilotes lancés à Tataouine et Tozeur. Le premier vise le développement intégré du Sahara avec une capacité de 1700 MW en PV à installer en 3 étapes, entre 2018 et 2035, et à se connecter au réseau de la Steg. Le second vise la réalisation de plusieurs actions de maîtrise de l’énergie du secteur résidentiel du gouvernorat et la création de 3 centrales PV totalisant 70 MW. Le programme actualisé des énergies renouvelables, pour la période 2022-2025, vise quant à lui un total de 2400 MW.
A l’évidence, plusieurs facteurs ont retardé, au cours de la dernière décennie, nombre de projets d’énergie renouvelable en attente de signature des contrats avec les investisseurs. D’où la nécessité d’une vision renouvelée et globale pour accélérer la relance. «Prospective, elle s’appuierait sur un équilibre nécessaire entre sécurité énergétique, équité énergétique et gouvernance et viserait le développement durable au moindre coût».
La Tunisie est appelée, en effet, à finaliser son code des hydrocarbures afin d’améliorer son attractivité vis-à-vis des entreprises pétrolières et d’intensifier l’exploration, d’impulser d’importants investissements, lancer des projets de énergétiques dans le cadre d’un partenariat public-privé, garantissant des financements indispensables pour la mise en œuvre de ces projets, le plan solaire en l’occurrence.
Pauvre en hydrocarbures mais riche en potentiels d’énergies renouvelables, la Tunisie a tout intérêt à développer, avec ses voisins, une coopération régionale stable, fiable et mutuellement profitable dans le domaine de l’énergie.
Faits saillants
– En 2021, la valeur ajoutée du secteur de l’énergie s’est élevée à 4,8 milliards de dinars et a représenté 3,7% du produit intérieur brut, contre 4,6% en 2015 et 7,1% en 2010.
-En 2021, les investissements du secteur se sont élevés à 2,1 milliards de dinars, correspondant à 10% du montant total des investissements, contre 12% en 2015 et 17% en 2010.
-En 2022, le déficit du commerce extérieur du secteur a atteint 10,6 milliards de dinars et a représenté 41,9% du déficit total du commerce extérieur, contre respectivement 5,6 milliards de dinars et 35% en 2021.
-Le montant de la subvention de l’énergie a atteint 7,6 milliards de dinars, en augmentation de 130% par rapport à l’année précédente (soit 5,3% du PIB contre 2,6% en 2021).
-Le cours annuel moyen du baril de Brent a été de 101,2 $US contre 70,7 $US en 2021. Avec le conflit armé en Ukraine, les cours mondiaux du pétrole brut et du gaz ont été sensiblement perturbés.
-Le taux de change annuel moyen du dinar a été de 3,105 D/$US, contre 2,793 D/$US en 2021.